top of page
mongeotpodo

Proprioception

Dernière mise à jour : 13 juin 2019

Qu'est-ce que la "Proprioception" ?? Elément fondamental de votre posture, véritable "Sixième sens", en quoi cela consiste et comment est-ce que cela fonctionne ?



Nous connaissons tous nos cinq sens : l’ouïe, l’odorat, le toucher, la vue et le goût. Or, il en existe un autre que nous utilisons en permanence. Il nous est si naturel que nous n’avons même pas conscience de son existence : la proprioception. Mais qu’est ce que la proprioception, quels sont ses rôles et au sein de quel système intervient elle ?


Notre corps dans son environnement


La proprioception, sens méconnu décrit à la fin du XIXème siècle par Charles Sherrington (Prix Nobel de médecine en 1932) , est notre capacité à nous percevoir nous-même sans avoir recours à la vision. C’est le sens qui renseigne notre cerveau sur la position des différentes parties de notre corps entre elles, qui permet de connaître à tout moment la position de notre corps dans l’espace environnant et qui lui montre comment se mouvoir. Elle se compare à un GPS qui s’appuie sur un système de référence, semblable à une carte mentale de notre corps en 3 dimensions, nommé schéma corporel (représentation que chacun se fait de son propre corps, sa forme, son volume).




Elle fonctionne avec des millions de petits capteurs sensoriels situés dans tous nos muscles (notamment les muscles des yeux qui en sont très riches), les tendons, les ligaments et les articulations, ainsi que dans la peau (notamment celle de la plante des pieds qui est très riche en capteurs de pression de différents types).

D’autres organes des sens, comme les yeux, servent de capteurs d’information sur notre environnement. Le système vestibulaire (partie de l’oreille interne qui n’est pasdédiée à l’audition) contribue, quant à lui, à la sensation de mouvement et à l’équilibre. Ensemble, les capteurs proprioceptifs et les autres organes sensoriels adressent en permanence des signaux qui transitent par nos nerfs sensitifs vers notre moelle épinière, puis vers le cervelet et le cerveau qui les analyse. Selon les besoins de la situation, il réagit en contractant ou en relâchant certains muscles. Ainsi, nous n’attraperons pas de la même façon un objet lourd et volumineux, ou un objet petit et léger qui serait écrasé par notre main si notre geste ne s’adaptait pas à la situation !


Le schéma corporel


La proprioception a la particularité de s’appuyer sur la plasticité du cerveau, sa capacité de réorganiser ses circuits neuronaux en fonction de ses ressources et des tâches qu’il doit accomplir. Sous l’effet de l’apprentissage moteur, celui-ci crée constamment des connexions neuronales et chacune de nos actions modifie notre cerveau. C’est pourquoi il faut de nombreuses répétitions pour renforcer les connexions, et c’est pourquoi la proprioception joue, au travers du mouvement, un rôle majeur dans l’élaboration du schéma corporel qui se construit très progressivement durant l’enfance.


Dans l’utérus maternel, le fœtus est contenu en flexion ce qui lui permet de tester sa proprioception au cours de mouvements vifs d’extension et d’enroulement. Le cerveau commence à prendre tout doucement le contrôle des mouvements.

Ensuite, le petit enfant développe son système proprioceptif en bougeant, il est donc essentiel de le laisser faire et même de l’encourager à bouger. Il reconnaît petit à petit les différentes parties de son corps et du corps de l’autre et vers 3 ans, il peut se représenter de manière grossière dans le dessin d’un bonhomme. Normalement, le schéma corporel ne se trouve achevé que vers 11-12 ans.


Par la suite, il est constamment mis à jour en fonction de nos actions et de ce que nous subissons,  comme un changement de poids, une poussée de croissance à l’adolescence, une blessure,etc.

L’apprentissage peut amener ce sens à des sommets, comme chez les danseurs professionnels ou lorsqu’un musicien joue sans regarder ses doigts.


Les habiletés motrices


Chez le bébé, l’apprentissage moteur nécessite, au départ, le secours de la vue pour organiser les mouvements et les contrôler. Puis, au fur et à mesure que l’apprentissage progresse, le cerveau garde en mémoire les informations pertinentes et, lorsque l’occasion se présente, il peut les récupérer afin de reproduire ces mouvements ; et même les adapter à de nouvelles contraintes. C’est ainsi que des séquences de mouvements volontaires peuvent être transformées, petit à petit, en séquences automatiques. L’enfant n’a plus besoin de la vue pour bouger, il se base sur ses habitudes motrices, ses automatismes inscrits : « l’automatisme, c’est le proprioceptif » (Pr Jacques Paillard, CNRS).


La proprioception nous permet donc de contrôler nos membres sans les regarder directement, sans elle la vie que nous connaissons serait impossible.

De ce fait, elle est à l’origine des qualités de coordination et d’adresse. Ces deux qualités fondent les habiletés motrices. Une bonne proprioception nous est indispensable pour le maintien de nos postures, lors de nos déplacements, ainsi que pour assurer la coordination de nos mouvements. Elle nous permet d’écrire lisiblement, de marcher en ligne droite, de danser en suivant le rythme de la musique, d’être performant lors d’une activité physique, de jouer d’un instrument de musique, etc.


La localisation spatiale


Au delà de son rôle mieux connu dans le mouvement, la proprioception joue un rôle fondamental dans la manière dont notre cerveau gère les informations provenant de nos autres organes des sens. A l’origine, ce sens très archaïque avait pour rôle de permettre au sujet de situer très rapidement et très précisément un danger potentiel dans l’environnement, pour  qu’il réagisse de manière à assurer sa survie. Elle est au centre des phénomènes neurologiques qui permettent de situer la source des stimuli sensoriels dans l’espace.

Le Pr JP Roll (CNRS) considérait la proprioception comme « le sens premier, celui qui donne du sens aux autres sens » :

Comment pourrions-nous localiser une cible visuelle dans l’espace sans que le système nerveux soit précisément informé du lieu où se trouve le corps et notamment l’œil ?

En effet, elle ne fonctionne pas indépendamment, mais en connexion avec les autres organes des sens et influence fortement leur travail en donnant constamment au cerveau l’indication de leur place respective dans le corps.

Contrairement à de nombreux animaux, nos oreilles ne sont pas orientables, pour écouter en direction d’un son nous devons tourner la tête. Quand un élément attire notre attention, nous tournons notre tête et dirigeons nos yeux vers lui. Notre cerveau est informé de la source du stimulus sensoriel grâce aux capteurs proprioceptifs des muscles du cou, mais aussi grâce à ceux des muscles des yeux qui le renseignent sur la position exacte des globes oculaires dans leur orbite :




Ainsi, la proprioception permet de localiser les informations visuelles et auditives dans l’espace. Il est donc évident qu’une bonne localisation spatiale des informations visuelles est indispensable à la lecture qui demande de poser son regard de manière très précise sur les mots.


La perception multisensorielle


Notre vie consiste avant tout à analyser des signaux provenant de nos différents organes des sens, que notre cerveau traite en continu. C’est un organe multitâche très performant qui effectue énormément de tâches de manière automatique (gestion de l’équilibre, respiration, etc.). Celles-ci sont fondamentales pour subvenir à nos besoins essentiels et nous permettre de nous dégager l’esprit pour nous consacrer à des activités cognitives de niveaux plus élevés.


Cependant, les informations provenant des différents organes des sens tels que la vue, le système vestibulaire et la proprioception doivent être concordantes et être cohérentes avec les données de l’environnement immédiat pour permettre au cerveau de les traiter correctement et de fonctionner au maximum de ses capacités. Sinon, il est en état de vigilance, de « stress », pour vérifier les informations et assurer la survie : bien situer le danger, ne pas tomber, ne pas se cogner, etc.


Un exemple simple pour décrire cet état est celui du lecteur assis près d’une fenêtre dans un train à l’arrêt. Le train est immobile, la proprioception, l’oreille interne et les yeux envoient l’information que le corps et le train ne bougent pas, le lecteur peut se concentrer sur son livre. Soudain, le train sur la voie attenante se met lentement en mouvement ; la vision périphérique du voyageur a capté le mouvement de manière inconsciente et envoie ce signal au cerveau. Le cerveau ne comprend plus la situation et le lecteur va se sentir obligé de quitter son livre pour vérifier la véracité de ces informations. Quand il a compris la situation, le sujet va beaucoup mieux et peut reprendre le fil de son histoire.

Il est donc important pour le cerveau de recevoir des informations sensorielles concordantes. En effet, peut-t’il vraiment se consacrer à des tâches cognitives de haut niveau si la proprioception du cou lui indique que la tête est droite, alors que l’oreille interne lui dit qu’elle est penchée ?


Lorsque la proprioception est perturbée, cela provoque des conflits sensoriels et le cerveau n’arrive plus à traiter toutes les informations provenant des autres sens.  Il en résulte des suppressions inconscientes, temporaires et aléatoires d’informations visuelles, qui apparaissent dans certaines positions du regard et lorsque le sujet reçoit des informations auditives. Or, l’association de graphèmes (vision) et de phonèmes (audition) est une des bases de l’apprentissage  de la lecture et de son automatisation, ces petits défauts visuels vont être d’autant plus gênants qu’ils surviennent chez un enfant qui rentre dans la lecture.


Conclusion


La proprioception est partout et notre vie en dépend de manière cruciale. Elle est impliquée dans le contrôle postural, la précision et la coordination de nos mouvements, la localisation de nos organes sensoriels et par conséquent des informations sensorielles dans l’espace ;  elle joue donc un rôle majeur au sein la perception multisensorielle.

Dans leur livre*, les Drs Quercia et Marino considèrent que :

Pour le clinicien, la proprioception doit être envisagée comme étant au centre d’un triangle fonctionnel dont chaque angle représente une fonction particulière et dépendant des deux autres :


Comme tous les systèmes physiologiques, elle peut dysfonctionner et quand nous considérons l’étendue de son action, nous réalisons que les symptômes d’une dysfonction proprioceptive peuvent être nombreux, très variés et parfois très invalidants. Pourtant, aujourd’hui encore, elle reste trop souvent négligée par nombre de professions de santé qui laissent ainsi de côté les patients dysproprioceptifs, ignorant leurs souffrances, leurs difficultés, et les considérant souvent comme des malades psychologiques.



 

Voir aussi  la vidéo suivante, sur la chaîne de vulgarisation scientifique e-penser, où Bruce Benamran nous explique très bien  le fonctionnement du système vestibulaire et de la proprioception :




 

Pour aller plus loin, les sources de l’article :


Le schéma corporel (L. Laplante, Canada)

Livre : Les secrets de votre cerveau (S. Marchand, journaliste scientifique) Livre : « Le bébé en mouvement » (L. Meunier Psychomotricienne)

Livre : « Faites danser votre cerveau » (Lucy Vincent, Neurobiologiste)

Rôle de la proprioception dans le contrôle moteur (Intervention du Pr J. Paillard, CNRS)

Jeux de répétition (Josiane Caron Santha, ergothérapeute, site Naître et grandir)

Etude des liens entre système visuel et proprioceptif (Thèse de Doctorat, Neurosciences, P. Touzalin-Chretien)

A la recherche du corps perdu , JP et R Roll (Cerveau et psycho N°5, p;62-67)

Education : portrait chimique d’un cerveau qui apprend (Emission de France Culture avec Pascale Gisquet-Verrier, neurobiologiste de l’Institut de neuroscience de l’Universite Paris-Saclay)

Livre* : « Oeil et bouche » (Drs P. Quercia et A. Marino)

439 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Formations

Comments


bottom of page